Dans ce propos, nous allons tâcher d’éclairer le lecteur sur la nature des implants utilisés en chirurgie orthopédique pour réaliser les prothèses articulaires (hanche, genou, épaule, coude, cheville, articulations des doigts…). Les termes prothèses articulaires et arthroplasties sont interchangeables même si une nuance puriste peut exister. Le but d’une prothèse articulaire est de remplacer une articulation détruite suite à l’usure liée à l’âge, une infection, une tumeur ou un traumatisme par des implants inertes destinés à restaurer la fonction. On précisera cependant qu’il ne s’agit pas ici de prothèses – appareillages destinées à remplacer un membre amputé.
Cette précision étant faite, le patient profane, parfois sans trop oser, se pose la question de savoir lorsqu’on lui dit qu’il va être opéré d’une prothèse totale de hanche ou de genou par exemple, si c’est de la « ferraille » ou du « plastique ». La réponse n’est pas loin. Mais avant d’y arriver, on peut légitimement se douter que, comme dans tous les domaines du savoir, c’est un long processus de l’histoire de la médecine qui a abouti aux progrès dont l’humanité peut bénéficier aujourd’hui. L’idée d’utiliser des matériaux inertes pour remplacer une partie manquante d’un membre est née dans la vallée du Nil comme l’atteste cette prothèse du gros orteil datant d’au moins 3000 ans. On peut supputer naturellement que ce n’est pas le cas inaugural qui est parvenu jusqu’à nous mais le fruit d’une longue expérience selon les documents archéologiques mêmes.
L’époque moderne des arthroplasties a débuté vers le milieu du 19ème siècle où toutes sortes de matériaux inertes ont été interposés dans des articulations détruites notamment au niveau de la hanche (entre le bassin et le fémur). On ne va pas le croire mais cela a débuté avec du matériau aussi vil que du bois dans la hanche ! D’autres matériaux tels que du verre, du plastique, de la gomme ont été essayés ; puis de l’ivoire en s’inspirant certainement de la chirurgie dentaire de la vallée du Nil. Les matériaux métalliques ont été d’abord des feuilles d’or, de l’argent, du manganèse ou du zinc avant d’arriver au titanium. Jusqu’à ces périodes, la forme à donner aux implants pour assurer une bonne fonction n’était qu’à ses balbutiements. Parallèlement, les questions de bio-compatibilité et de bio-intégration des matériaux prothétiques n’étaient pas encore réglées sans compter le relargage des particules de dégradation des matériaux dans le corps humain. Il faut savoir que l’organisme humain est l’un des milieux les plus corrosifs qui existent sur terre. La biocompatibilité est la caractéristique qui permet à un matériau d’interagir avec un organisme vivant sans occasionner une réaction d’allergie ni de rejet. La bio-intégration lui permet d’être colonisé par des cellules hôtes. Nous n’allons pas encombrer ce propos de vulgarisation avec les autres caractéristiques physico-chimiques des matériaux.
C’est vers le milieu du 20ème siècle que la forme que nous connaissons aux prothèses articulaires actuellement a été fixée. La principale révolution a eu lieu au niveau de la hanche et provient de deux chirurgiens orthopédistes : le Suisse Maurice-Étienne Müller de Berne et le Britannique Sir John Charnley. Ils ont conçu une prothèse articulaire transformant une hanche naturelle qui relie une grosse tête de fémur (pouvant aller de 44 mm à 62 mm) et un cotyle, en une tête métallique de 22 ou 28 mm portée par une tige scellée dans le fémur et articulée avec une cupule en polyéthylène PE (cf. infra) scellée dans le bassin : c’est le concept du Low Friction torque Arthroplasty (LFA), autrement dit le couple de faible friction tribologique. En effet, jusque dans ces années 1960, les prothèses tâchaient de reproduire tout bonnement la hanche naturelle telle quelle. La conséquence est une faible épaisseur de PE dans le cotyle prothésé, or nous n’étions pas encore à l’époque du PE de haute densité comme aujourd’hui. Le résultat est une usure rapide de la cupule en PE (qui est littéralement laminée par la tête prothétique) avec relargage des particules de polyéthylène responsables d’une réaction de la part des cellules de défense de l’organisme aboutissant à un descellement de la prothèse. C’est également au début de ces années 60 que le ciment acrylique a été introduit. C’est du poly méthyl méta acrylate qui, en se polymérisant devient dur et permet de sceller les implants dans l’os. Le prix à payer pour ce modèle de « petite tête fémorale » dans une « petite cupule cotyloïdienne » est l’instabilité avec des luxations. Pour y pallier, des cupules dites rétentives ont été introduites avec comme conséquence, l’augmentation des contraintes sur le PE dont le corollaire est l’usure – descellement. Jusque dans les années 90, la durée de vie des prothèses était autour de 10 ans.
Actuellement, l’amélioration de la qualité des matériaux ainsi que de leur usinage, surtout le polissage de la surface de friction, ont permis de porter la durée de vie des prothèses au-delà de 30 ans. Trois catégories de matériaux sont actuellement utilisées. Il s’agit des alliages métalliques, des céramiques et du polyéthylène de haute densité. Des essais d’implants en carbone sont en cours.
Les alliages métalliques sont essentiellement en chrome – cobalt et en titane. Les céramiques sont des matériaux non métalliques et non organiques obtenus par l’effet de fortes températures sur de l’alumine ou du zircon. Le polyéthylène est un matériau plastique issu de l’industrie pétrochimique. Il sert à constituer la surface de friction des implants. L’introduction du ciment acrylique dans la fixation des implants à l’os date du début des années 60.
Depuis le milieu des années 80, le concept de prothèse sans ciment est apparu. Le principe consiste à recouvrir la surface de contact des implants avec l’os d’un revêtement dit ostéo-conducteur. Il s’agit de l’hydroxyapatite, un composant minéral naturel de l’os que l’on produit artificiellement. Au contact de la prothèse, l’os du voisinage identifie cet hydroxyapatite comme un de ses propres constituants et le colonise. La prothèse devient ainsi intégrée à l’os. On parle alors de stabilité secondaire. Naturellement, en attendant cette repousse d’os sur le revêtement d’hydroxyapatite, la stabilité primaire est assurée par l’impaction en force de la prothèse dans l’os et éventuellement fixée par des vis complémentaires. Les couples de friction (surface de frottement des implants) sont de plusieurs sortes : métal – PE, céramique – PE, céramique – céramique. Le couple métal – métal dit de gros diamètre a été utilisé au moins durant trois périodes depuis le 20ème siècle dont la dernière au-début des années 2000 avant d’être à nouveau abandonné pour cause de relargage excessif de particules de métal dans l’organisme.
Pour finir, il faut savoir que les systèmes de détection des métaux au niveau des portiques de sécurité (aéroports, lieux sensibles…) sont de plus en plus sensibles à la quantité de métal détectable. Il faut penser à avoir sur soi un certificat médical et ou le compte rendu opératoire lors des passages lorsque l’on a été opéré d’une prothèse articulaire.
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